Le trésor de Pouan a une longue histoire :
C’est en 1842, dans une carrière proche du village de Pouan-les-Vallées sur les rives de l’Aube, qu’un ouvrier manœuvre découvre ce magnifique ensemble funéraire. L’ensemble se composait ainsi de deux lames très oxydées et d’éléments de bijouterie en or et grenats cloisonnés, accompagnés d’ossements humains.
Le découvreur du trésor, après sa trouvaille, s’empressait de proposer ces pièces au conservateur du musée de Troyes dirigé par M. Corrad de Bréban, sans que celui-ci ne puisse l’acquérir, le musée ne disposant que de faibles moyens. Les lames furent toutefois concédées au musée et le restant des objets en or furent acheter par un bijoutier de Troyes. C’est lors d’une présentation du Congrès Archéologique de la ville, que la famille du bijoutier préta ces pièces pour l’exposition. Elles sont alors repérées par M. Achille Peigné-Delacourt qui tente de les racheter au propriétaire, mais là aussi la somme demandée par la famille du bijoutier est trop élevée. Peigné-Delacourt n’abandonne toutefois pas et fait jouer son réseau. Ainsi, L’Empereur Napoléon III se porte acquéreur des pièces de bijouterie, qu’il conservera à titre personnel. En mars 1860, accompagné par le préfet de l’Aube et de Peigné-Delacourt, l’ensemble est offert par l’Empereur au musée de Troyes, qui rejoint la collection de celui-ci afin d’être exposé aux yeux de tous.
Un contexte flou :
Si la découverte n’est pas à remettre en cause, sa datation fit longtemps débat. En effet, découvert dans la région de Troyes, cet ensemble fut très rapidement par les archéologues de l’époque, mis en relation avec la bataille des champs Catalaunique en 451, qui fut l’une des dernières grandes batailles de l’Antiquité qui opposa une armée coalisée de germains et de Huns contre les armées romaines d’Aetius renforcée par les Wisigoths. Les spécialistes de l’époque y virent ainsi l’ensemble funéraire du roi Théodoric, mort pendant la bataille. Toutefois, l’anneau sigillaire (bague), porte l’inscription « HEVA », qui semble être le nom du porteur de cet ensemble. Il s’agit effectivement d’un nom d’origine Wisigothique mais celui-ci ne correspond donc pas avec la mort du roi Théodoric, bien que la légende raconte que celui-ci fut enterré sur le champ de bataille où il trouva la mort. L’hypothèse est donc abandonnée au profit d’un dignitaire goth ayant trouvé la mort durant la bataille. Une seconde hypothèse est quant à elle évoquée par Istvan Bonà, spécialiste des Huns dans son ouvrage de 1993, indiquant qu’il pourrait s’agir de l’oncle d’Attila, mort lui aussi aux Champs Catalauniques. Toutefois, les récentes études indiquent que les éléments qui composent cette parure sont postérieurs à cette bataille et dateraient du troisième quart du V-ème siècle ap.J.C., soit près d’une vingtaine d’années après celle-ci.
Un personnage mystérieux :
Dans ce contexte et avec ces informations, l’identité du personnage de Pouan reste donc un mystère. Il s’agit visiblement d’un Goth mort vers 470, dont le matériel correspond bien à l’élite aristocratique de cette époque. S’agit-il véritablement d’un Goth ou d’un aristocrate local, avec une identité réelle ou empruntée d’origine gothique ? La question reste en suspens. La sépulture en elle-même reste aussi un mystère. En effet, des fouilles complémentaires tout autour du site, on mit à jour un cimetière mérovingien postérieur à cette tombe. La tombe de Pouan se trouvait donc dans un endroit relativement excentré au cimetière découvert. Les ossements n’ayant pas été conservés à notre connaissance, des analyses ne peuvent être faites, quant à l’origine exacte du personnage ou sa provenance géographique. Cet ensemble conserve ainsi son mystère sur la mort de ce riche personnage et son origine.
Composition de l’ensemble et reconstitution :
L’ensemble de ces pièces est reconstitué au plus proche de la documentation archéologique. Une place est toutefois laissée à l’interprétation, en effet nous ne disposons pas d’un relevé détaillé de la fouille de l’époque, ni de dessin représentant l’ensemble funéraire ainsi que l’emplacement des différents éléments. Les pièces de bijouteries sont constituées de laiton plaqué or, afin de garantir une reproduction au plus proche des originaux, les éléments en grenats ont été remplacés par du verre rouge couleur grenat. L’ensemble se compose ainsi d’un torque (collier) décoré d’ocelles (en cours de réalisation), ainsi que d’un bracelet en or (en cours de réalisation) et d’un anneau sigillaire en or portant la mention « HEVA ». Une ceinture dont la boucle principale en or est en forme de D. Sur celle-ci se place deux petites plaques-boucles Elles servent notamment au système de suspension du fourreau du scramasaxe. Ce système d’attache est notamment avéré par des découvertes similaires en Russie à Koursk et à Blucinà en Moravie. Le fonctionnement du système reste hypothétique. Le tout est complété par un petit anneau de suspension en or et cloisonné. Le scramasaxe en lui-même se compose d’un fourreau en bois recouvert de cuir, terminé par une chape cloisonnée et d’une entrée de fourreau en or et cloisonné. La poignée de l’arme se compose d’un montage en bois recouvert de tôle plaquée or et d’un pommeau cloisonné. La lame est une pièce longue et étroite d’une soixantaine de centimètres à un seul tranchant. La spatha est attachée par un baudrier en cuir, avec une boucle en or cloisonné, cette pièce reste quant à elle controversée car elle est supposée ne pas avoir fait partie du trésor originel mais ajouter à celui-ci lors des différents changements de propriétaire. Cette pièce reste toutefois, en corrélation avec des éléments trouvés un peu partout en Europe et reste datable entre le milieu et le troisième quart du V-ème siècle apr. J.C. L’épée reste quant à elle exceptionnelle, 74 cm de long et 6,5 cm de large à la base de lame. Cela en fait l’une des plus grosse spatha retrouvée pour cette époque. On l’attribue ainsi à la typologie des épées dites « à poignée en tôle d’or ». Le montage de la poignée est ainsi garni d’un manche en bois et d’une garde courte prise en sandwich entre deux tôles d’or. L’ensemble est terminé par un pommeau en bois et une plaque de rivetage en fer incrustée de verroteries. Le fourreau se pare d’une magnifique entrée en or et cloisonnée, sur laquelle des bâtons de grenats cannelés viennent s’enchâsser dans les interstices. Des éléments similaires ont été retrouvés dans des ensembles funéraires de l’époque Hunnique en Ukraine et en Crimée. La suspension est assurée par deux pontets très décorés dans lequel le système de fixation du baudrier viens se loger. Le bout du fourreau est assuré par une bouterolle en forme de U en argent. Le tout est complété par un élément de décoration appelé pendant d’épée, ici en or et cloisonné rattaché une grosse pierre dans un matériau imitant l’albâtre. Cet élément décoratif reste hypothétique dans sa forme, qui repose sur les dessins de Peigné-Delacourt et dont la pièce est actuellement fortement dégradée.